Freeeeeeze!
C'est arrivé encore une fois, vendredi dernier : bien que le soleil chauffe doucement mon bureau, le blizzard est entré d’un coup à travers l’écran zoom, tout droit sorti du travail de remémoration et de mise en mots par mon client du « trauma » professionnel passé que je lui ai demandé de me conter, parce qu’il va bien falloir le dépasser s’il veut donner toutes ses chances à sa superbe ambition de fondateur.
Normalement, on essaie en session de coaching de tenir les « histoires » à distance, de situer l’échange à un niveau différent de l’habituel. Ces moments où l’on décide de courageusement faire un sort aux moments de gel d’une carrière sont des exceptions de valeur à cette règle. Il faut raconter l’histoire, pour en changer la fin.
Dans le cas de Clément (vous êtes habitués, ce n’est pas son prénom), ingénieur ultra spécialisé en instance de création d’entreprise dans une touuute petite niche porteuse d’avenir et de rêve, l’enjeu à court terme est de cesser le dangereux auto-sabotage en cours : il reste muet aux sollicitations de son ancien réseau professionnel, alors qu’il sait qu’il faut reprendre attache avec ces experts pour donner toutes ses chances à son nouveau projet. Il se sent marqué au fer rouge, alors que l’analyse et les premiers échanges montrent que la cicatrice qu’il croit énorme est à peine vue de l’extérieur, que le stigma s’efface derrière l’expertise ou le relationnel ; bref que l’histoire avance.
Tiny moments of time when you've felt like sh... will stick unless you unpack them
Qu’il s’agisse de licenciement, de mise à l’écart, ou pire au placard, rares somme toute, ou plus couramment d’une relation hiérarchique « diminuante », d’une seule (oui une seule parfois !) remarque humiliante ou encore d’une relation toxique entre collègues, j’observe dans l’immense majorité des histoires professionnelles passées de mes clients l’existence de ces moments de gel, où souffle ce que j’appelle le blizzard. Dans ces moments, on se sent, à tort ou à raison, mal-traité, peu reconnu, bypassé, ignoré, méprisé, remis en cause, micromanagé, sermonné, infantilisé, infériorisé… la liste est longue, et dans toutes les carrières, il existe de tels moments, me direz-vous.
Et la plupart du temps, on s’en sort comme on peut : on rentre en pleurant, on gueule-on tape-on casse chez soi à l’abri des regards, on s’épanche, on fomente, on démissionne, on bouge en interne… bref on avance, on reprend les mêmes – ou pas, et on relance les dés, pas le choix.
On garde néanmoins une cicatrice, et souvent le souvenir désagréable se polarise autour d’une personne et/ou d’une situation.
Pendant une session de coaching, si nécessaire, c’est ce nœud que je propose de revisiter en mode zoom – pour mieux le dissoudre. Car dans ce nœud douloureux du souvenir se sont souvent enracinées des croyances qui resurgissent à notre insu, notamment dans les moments de fort changement – en période de création d’entreprise ou de construction d’équipe par exemple, quand c’est le moment, qu’il faut y aller, tout donner.
Quelques exemples :
Je suis brouillon, on ne me suit pas, je n’arrive pas à convaincre
Je suis incapable de manager
Ils sont contre moi
Je ne peux pas dire la vérité, je vais le payer
Je suis mauvais à telle ou telle chose
Building an empowering narrative and paying a tribute to Belgium
Dans de rares cas, le nœud et son attirail de pensées limitantes est très gros, genre tumeur, et peut être travaillé au niveau psychologique aussi, avec le professionnel adéquat. Mais la plupart du temps, le simple fait de revisiter sans concession la situation, les personnages, les responsabilités, les paroles… permet de reprendre quelque peu le contrôle de la réécriture de son histoire professionnelle, de se la réapproprier par le choix assumé d’une narration dépoussiérée, rafraîchie et surtout empouvoirisante pour l’avenir (merci la Belgique pour ce néologisme qui ne manque pas de me chatouiller l’hypothalamus à chaque fois que je l’utilise).
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